Stellantis fonce dans l'autopartage et avale Share Now

Trois fois plus de villes, cinq fois plus de voitures: avec son acquisition de la société d'autopartage allemande Share Now, le groupe automobile Stellantis confirme son ambition de devenir l'un des leaders des nouvelles mobilités, déchargeant BMW et Mercedes-Benz de cette filiale devenue un boulet.

"Nous voulons nous implanter dans les grandes villes et Share Now est une étape clef pour l'accélération de notre modèle", a indiqué lors d'une conférence de presse Brigitte Courtehoux, directrice générale de Free2Move, la filiale de Stellantis (Fiat, Peugeot, Citroën...) qui avale son concurrent.

L'entreprise va ajouter 14 villes à son offre, principalement en Allemagne (Berlin, Francfort, Hambourg) mais aussi en Italie (Milan, Turin) ainsi qu'à Copenhague et Budapest.

Les groupes n'ont pas dévoilé le prix de l'opération, qui s'établit à "un peu plus de 100 millions d'euros" selon une source proche des parties allemandes -- peu pour une activité qualifiée régulièrement de prometteuse.

Car si l'autopartage a longtemps été vue comme source alternative de revenus pour les constructeurs dans un marché en baisse, la recette de rentabilité est difficile à trouver.

"Aucun constructeur n'est parvenu à faire fonctionner correctement un service d'autopartage mais si quelqu'un peut y arriver, c'est bien Carlos Tavares", avance Matthias Schmidt, un analyste automobile basé à Berlin.

Pour Stellantis et son patron Carlos Tavares, l'achat est "extrêmement bon marché", juge l'expert automobile allemand Ferdinand Dudenhöffer.

 

Objectif 15 millions d'utilisateurs

Share Now a été lancé en 2019 par les deux groupes qui ont mis en commun Car2Go et DriveNow dans une coentreprise rassemblant plusieurs services de mobilité, dont des VTC. Chaque partenaire avait investi 500 millions d'euros.

Mais au fil des années, le service d'autopartage avait réduit la voilure, quittant même complètement l'Amérique du Nord -- où les constructeurs américains eux-mêmes tentent de trouver la formule gagnante, mélangeant autopartage et locations de voitures.

L'activité avait également souffert de la pandémie.

La vente "est aussi un aveu que l'autopartage avec des voitures premium ne marche pas vraiment", note M. Schmidt.

Free2Move est, de son côté, rentable depuis le deuxième semestre 2020, une rareté dans le secteur.

La société se veut un portail unique pour offrir l'accès à une voiture pour une durée allant de quelques minutes à plusieurs mois. Elle dispose de 450.000 véhicules pour la location mais aussi de 500.000 places de parking et de 250.000 bornes de recharge électrique.

Le rachat annoncé mardi va lui permettre d'ajouter les 10.000 véhicules de Share Now à ses 2.500 dédiés à l'autopartage dans sept villes en Europe et aux Etats-Unis. L'acquisition lui rapportera 3,4 millions de clients.

"Nous nous rapprochons de notre objectif d'atteindre 15 millions d'utilisateurs actifs dans le monde d'ici 2030", s'est réjouie Mme Courtehoux.

 

Marché chinois

Free2Move vise un chiffre d'affaires de 2,8 milliards d'euros d'ici 2030 avec une première étape à 700 millions d'euros en 2025.

Stellantis va progressivement remplacer la flotte de Share Now avec des véhicules de ses marques.

"ShareNow a les meilleures chances de survivre sur le marché de volume avec des véhicules bon marché", note M. Dudenhöffer.

Stellantis fait face à des géants comme Volkswagen, GM, Ford ou Toyota.

En Europe, Volkswagen veut racheter Europcar pour créer une "grande plateforme de mobilité", associant location, autopartage et gestion de flottes d'entreprises. L'association de plusieurs services est "probablement le seul moyen" de générer des bénéfices, avait estimé le patron, Herbert Diess.

Pour le groupe francais, "une entrée sur le marché chinois serait vraiment excitante car c'est là que Stellantis a le plus de retard à rattraper", a par ailleurs souligné M. Dudenhöffer.

Côté allemand, Mercedes et BMW vont poursuivre leur recentrage sur l'activité automobile traditionnelle, de plus en plus rentable.

"Cela renforce notre conviction que les constructeurs haut de gamme vont plutôt se focaliser sur les voitures individuelles et moins sur les services d'autopartage et de covoiturage", selon les analystes de la banque RBC.

En terme d'applications, les deux constructeurs vont privilégier Charge Now, permettant de trouver la prochaine borne de recharge électrique en Europe, et Free Now, une plateforme de réservation de e-scooters, vélos électriques, voitures en autopartage, taxis et véhicules avec chauffeur dans plus de 150 villes.

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